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Le murmure des murs

I

Le tailleur nous le dit que ses pierres ont une âme
Elle crie rarement mais murmure et se pâme
sous la massette ou le ciseau qui l’entreprend
Le tailleur et la pierre ont dialogue d’amants

Le tailleur nous le dit que la pierre lui parle
Et du fond de l’atome une énergie sépare
ce qui remonte au ciel de ce qui va descendre
au sous-sol de l’esprit difficile à comprendre

*

Tous les tailleurs m’ont dit que la pierre est vivante
que de ses particules elle vibre et s’aimante
L’artisan qui voudrait la soumettre à ses lois
se pliera néanmoins à ce qu’il entendra

Lorsque Pierre Constant vient du facteur Cheval
restaurer chaque année le Palais idéal
la pierre le reçoit d’abord en résistance
Le Facteur ne veut pas qu’on lui porte nuisance

*

Mais de Pierre à la pierre il y a connivence
et du bien de cette œuvre il a pleine conscience
Alors lui faut ruser longtemps parlementer
et réapprivoiser l’invisible entêté

En 1982 j’étais si loin
Entre mes dents mûrissait à pein’mon refrain
Or j’aurais tant aimé connaître de Vicky
cette part d’éternel qu’on nomme parousie

* * *

II

Aride le chemin qui conduit en Bohème
pour un bonheur tardif douloureux car extrême
On effleure parfois l’écume des comètes
L’on s’accroche au lampion si dernier de la fête

On se dit « Je suis là Je suis bien à ma place
L’univers me l’a faite exprès pour que j’y passe
le reste de mes jours de mes nuits éblouies
à prolonger d’un vers les fils de l’infini »

*

A peine ai-je croisé Marc Legrand et ses fruits
sa musette chargée dont le suc a nourri
un poète affamé d’abstraites nourritures
mais partageant ici concrète confiture

À l’écoute des murs s’habitue mon oreille
J’y entends bourdonner les travaux de Flamel*
s’entrechoquer plus tard au Relais des commerces
en cave en entrepôt peut-être vins en perce

*

Les selles de chevaux le fer et le harnais
l’ont cédé aux bananes et aux fromages frais
Des fous prennent d’assaut après un long sommeil
ces lieux plus destinés au réseau des merveilles

Alors la chrysalide en devient papillon
Thierry Col Vicky Marc font sa révolution
Le théâtre va naître et en cet an de grâce
péniblement se fraient en chemin mes audaces

*

Vicky tu seras là ce soir où le murmure
de toute poésie entre tes murs perdure
car l’amour que charrient nos veines troubadoures
imprègne ton caveau J’en signe les contours

* L’Histoire prétend que Nicols Flamel y pratiquait l’alchimie.

© fanFan
Février 19 - écrit pour La Cave à poèmes,
Théâtre des Déchargeurs
Thème : murmurer
Hommage aussi à Marc Legrand, récemment disparu,
sans oublier Thierry Col et Vicky Messica...
 
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